Double C
Délice de lecture, « La Cantatrice Chauve » fait partie de mes références, traversant les années depuis 1954 sans prendre une ride ni perdre un cheveu. De toutes façons « elle se coiffe toujours de la même façon ».
Lorsque j’étais enfant, nous nous amusions ma sœur et moi à jouer le début de la pièce, et j’adorais ce M. Smith, qui, « continuant sa lecture, fait claquer sa langue » pour toute réplique pendant les premières pages du livre. De ma sœur ou de moi, qui l’interprétait ? Je ne sais plus, mais peu importe, le rôle était on ne peut plus savoureux !
Comique de répétition, absurde, royaume du non sens (apparent), de la perte du bon sens (mais quel est il, en fait, ce supposé « bon sens », qui peut prétendre en être le dépositaire exclusif ?), de la dilatation du sens commun jusqu’au délire total… j’aime quand les choses perdent de leur réalité et de leur routine, j’aime quand on les regarde autrement, et quand ce regard, affranchi de toute logique établie, donne justement un sens à l’existence.
Les Smith, les Martin, les Bobby Watson, la pendule (anglaise) qui sonne 17 coups (anglais) à 9h du soir, les coups de sonnette et personne à la porte, cette pièce, ou plutôt anti-pièce (tout est dit !) comme la qualifie Eugène Ionesco lui-même, n’est absolument pas racontable. Ceux d’entre vous qui l’ont lue reconnaîtront, et quant à ceux qui ne la connaissent pas, je ne puis que vous engager à vous lancer dans cette soirée londonienne délirante et hilarante.
Et pour les amateurs, « La Cantatrice Chauve » est jouée au théâtre de La Huchette à Paris, sans relâche depuis 1957 !